Les Davidsbundlertänze de Schumann sont assez peu jouées en concert et finalement assez peu enregistrées aussi. Il s’agit d’une œuvre pour piano « composée par Florestan et Eusébius », selon la mention de Schumann lui-même, deux des personnages de la fantasmagorie Schumannienne. Le premier est vigoureux, capricieux, le second est rêveur et modeste. Malgré leur dénomination, ces Davidsbundlertänze ne sont pas vraiment des danses. Elles s’apparentent à des extraits d’un journal intime tenu par Schumann avant son mariage avec Clara Wieck.
Ali Hirèche nous en offre une vision enchanteresse des Davidsbundlertänze, vision dans laquelle il éclaire magnifiquement tout autant la polyphonie que les lignes mélodiques. Dans chacune des pièces il nous offre un microcosme à la Bartok, tour à tour capricieux et réservés, parfois un mélange des deux. Ali Hirèche a la grande intelligence d’instaurer du silence entre chaque pièce, le temps de tourner les pages de ce journal intime. Au programme de cet album figurent aussi les Kreisleriana, beaucoup plus connus, joués et enregistrés. Ali Hirèche les mènent avec détermination mais sans jamais perdre de vue les phrasés, les lignes et la polyphonie.
A mon goût, il y manque un petit grain de folie. Celui de cet autre personnage fantasmagorique de Schumann, Johannes Kreisler, emprunté à Ernst Theodor Amadeus Hoffmann et à l’origine des Kreisleriana. Ce Johannes Kreisler souffre d’un énorme boitement et marche en claudiquant sur 2 jambes et une canne. Si Eusébius et Florestan sont bien présents dans cette interprétation des Kreisleriana, Kreisler m’y semble un peu trop « discret ».
Cet album Schumann par Ali Hirèche reste néanmoins une belle réussite, avec de magnifiques Davidsbundlertänze et une prise de son aboutie qui semble bien respecter les intentions du pianiste.
17 janvier 2022 par Thierry Nkaoua