Schubert & Listz cover CD Ali Hirèche

Ali Hirèche

Ali Hirèche révèle combien Liszt comprend et sublime la poésie schubertienne

D’un compositeur à l’autre, de Schubert à Liszt, soit deux poètes du clavier, Ali Hirèche sait tirer le fil des filiations ténues, révélant combien Liszt est inspiré par les lieder de Schubert ; le premier, génial transcripteur, soulignant avec une rare finesse la magie des couleurs du second.

Schubert & Listz cover CD Ali Hirèche

Ainsi dans le « Wanderer » : le pianiste éclaire ce halo sombre et lugubre qui convoque l’esprit d’une mélancolie profonde et d’une errance infinie ; s’affirme peu à peu le sentiment de solitude puis, au final ce grand renoncement à la vie, l’idée d’une exténuation lente, irrémédiable ; jusqu’à l’énoncé
d’une énigme totale (le dernier thème et la dernière séquence qui s’achèvent dans un gouffre profond)…

Pour «Gretchen am spinnrade», jeu et toucher murmurent, dans une délicatesse aérienne, flottante, affleurante, d’une suggestivité électrique – comme une chute sans retour, vécue comme une course silencieuse et maudite, car c’est bien de l’emprise de la jeune fileuse dont il est question et que le piano
révèle ;

Enfin, le plus dramatique «Erlkönig» / le Roi des aulnes accomplit son action fantastique et tragique en une vivacité romantique, propre à l’imagination du Schubert de 18 ans, inspiré par Goethe ; mort, peur et nuit s’enchaînent, en épisodes ardents ; Ali Hirèche édifie une narration orchestrale et même
symphonique, d’une précision captivante ; l’attention aux couleurs et aux rythmes caractérise chaque personnage de cette course hallucinée : le narrateur, le père, l’enfant, le roi des aulnes, jusqu’aux derniers accords, réalisés comme un glas glaçant. Soit la voix tour à tour qui raconte, rassure, questionne et foudroie… mieux qu’un diseur, fût-il Dietrich Fischer-Dieskau (cité dans l’excellente notice du cd), le chant du piano exprime au plus juste l’essence poétique de chaque voix, sans aucun effet théâtral. Le génie de Liszt est ainsi révélé : il est aussi musical que littéraire, magnifiant le lied de
Schubert, sans voix humaine.